Des entretiens avec des dizaines d’entreprises locales, base de travail pour Sens9

Depuis sa création fin 2021, Sens9 a travaillé sur des entretiens cadrés avec des acteurs économiques clermontois. Marie Forêt, en charge de ce volet au sein de l’association, nous en donne les principaux enseignements.

Vous avez mené des entretiens auprès d’entreprises clermontoises, de janvier à juin 2022. Qu’est-ce qui a motivé ce travail ?

L’origine de ce travail vient à la fois de la mission de Sens9 et du besoin de la Métropole. Sens9, c’est une association d’entreprises engagées pour la transition écologique et la résilience territoriale sur le territoire auvergnat. Créée fin 2021, elle avait besoin de mieux connaître son public en allant rencontrer des chefs d’entreprise.

Nous avions déjà organisé, en amont de Sens9 (courant 2021), des échanges avec une quinzaine de “pionniers” : ce sont une quinzaine de représentants d’entreprises, petites ou grandes, présentes sur le bassin clermontois. Par des ateliers participatifs, ils ont précisé les objectifs généraux de l’association. Les entretiens, quant à eux, relèvent d’une démarche plus systématique.

« Nous avions déjà organisé, courant 2021, des échanges avec une quinzaine de « pionniers » « 

En parallèle, Clermont Auvergne Métropole avait besoin d’un diagnostic de maturité des entreprises  locales sur la transition écologique et la résilience territoriale. Nous nous sommes rejoints sur la réalisation de cet état des lieux.

Quelles sont les entreprises concernées par ces entretiens ?

Des entreprises sur le bassin de la Métropole clermontoise, de taille petite ou moyenne en priorité, tous secteurs confondus, et avec au moins cinq ans d’existence. Un premier résultat des entretiens est que la grande majorité du temps, ces structures sont “engagées” vis-à-vis du territoire, autant dans leurs actions terrain que dans l’organisation de leurs relations d’affaires. Par exemple, elles peuvent faire appel à des entreprises d’insertion, ou favoriser des fournisseurs de proximité.

« La grande majorité du temps, ces structures sont “engagées” vis-à-vis du territoire. »

En revanche, les entretiens mettent en évidence qu’elles n’ont pas de vision de la résilience territoriale. Elles ont souvent conscience de la problématique environnementale, voire d’une certaine urgence climatique, mais ne savent pas quelle réponse y apporter.

Ici, surtout dans des structures à taille humaine, le rôle du chef d’entreprise est capital : il impulse et donne un cadre. Mais il ne peut pas engager sa structure dans la résilience territoriale, seul. S’il décrète, les équipes ne suivent pas automatiquement. D’où un travail de questionnement interne nécessaire, en parallèle d’actions externes, ce que les Club Sens9 proposent…

Vous parlez de résilience territoriale : de quoi s’agit-il, concernant les entreprises locales ?

C’est la manière dont l’entreprise participe à la dynamique collective et territoriale, pour que l’économie s’adapte aux nouvelles conditions environnementales imposées par le changement climatique et écologique, et sache réagir en cas d’événement inattendu en lien avec les autres acteurs locaux. Ce dernier a de nombreuses conséquences sur les économies des territoires, mais c’est aussi vrai en retour : l’activité économique impacte l’environnement, on le sait. Cela augmente la complexité des enjeux ; on parle alors d’approche systémique.

« L’objectif est d’aider l’entreprise à imaginer le changement lié au dérèglement environnemental, et à y réagir “positivement”.  « 

Comment faire ? Il faut que l’entreprise soit capable de se questionner sur ses relations avec les parties prenantes, mais aussi poser les conditions de fonctionnalité, le modèle d’affaires, l’aire d’influence. Tout cela doit être étudié avec du recul et en collectif. Au final, l’objectif est d’aider l’entreprise à imaginer le changement lié au dérèglement environnemental, et à y réagir “positivement”. 

Elle doit également être capable de s’interroger sur la finalité de son activité, sur le sens de sa pérennité au regard de l’urgence écologique, en allant jusqu’à envisager d’abandonner certains pans d’activités.

Comment avez-vous mené ces entretiens ?

Je précise qu’ils sont toujours en cours ! Mais la méthodologie est bien calée : elle reprend les attentes de Sens9 et de la Métropole. C’est une démarche d’entretien pragmatique, basée sur les sept questions centrales de à la RSE et deux questions complémentaires. Ces dernières portent sur l’intégration des enjeux environnementaux dans la conception des produits et des services de l’organisation et sur la “préhension” de l’innovation et de la prospective dans l’entreprise. Autrement dit, sa posture face au changement.

« C’est une démarche d’entretien pragmatique, basée sur les sept questions centrales de à la RSE. »

Les questions liées à la RSE tournent autour de ses composantes principales : gouvernance, sensibilisation des clients à travers l’offre de l’entreprise, lien au territoire et appui de l’organisation au développement de sa communauté, conditions de travail – comme la formation et l’embarquement des équipes dans la dynamique RSE – et, bien sûr, impact environnemental de l’activité économique. En bonus, selon la teneur des entretiens, j’ai gardé les questions sur les droits de l’homme et sur l’éthique.

Et qu’avez-vous retiré comme enseignements principaux ?

La première chose qui m’a marqué, c’est la double vision du chef d’entreprise … qui est aussi un citoyen et un habitant du territoire. Autrement dit, “chez moi, je fais telle action écologique, mais je ne sais pas comment l’appliquer dans mon entreprise.” On comprend qu’il y a la notion de cadre de vie personnel, très lié au local et à l’environnement. Mais peut-on concevoir un “cadre de vie de l’entreprise” ? C’est à creuser.

L’autre point majeur, très présent chez ces entreprises interrogées, est une forme de positivité. L’Auvergne, Clermont, c’est un “lieu des possibles”. La taille humaine, l’identité culturelle, les relations de proximité entraînent un discours constructif, sur les relations d’affaires classiques mais aussi sur la résilience territoriale, même si elle est plus en avance de phase.

« L’Auvergne, Clermont, c’est un “lieu des possibles”. »

En transversal, comme je le disais, les entreprises ont des besoins et des questionnements face à la crise écologique, mais très peu de réponses. D’ailleurs, la conscience de cette crise écologique est variable, tout le monde ne part pas de la même base.

Justement, dites-nous en plus sur le “point de départ” des entreprises face aux enjeux environnementaux …

Il y a des entreprises que je qualifierais de “concernées” par ces enjeux, qui travaillent à intégrer l’urgence écologique dans leur modèle d’affaires. Il y a des entreprises “effondrées”, qui ont du mal à vivre ce changement, et qui souhaiteraient aller beaucoup plus loin. Il y a des entreprises “opportunistes” principalement parce que la crise écologique est une aubaine commerciale – celles qui vendent des solutions techniques, par exemple. Enfin, il y a les “attentistes inquiets” qui constatent les évolutions et subissent le contexte sans savoir par où commencer.

« Sens9 permet les rencontres et synergies entre les dirigeants, tout en les faisant monter en connaissance et en compétence, de manière collective. »

Cela représente de nombreux points de départ. Mais tous sont acceptables dans l’absolu, car chacun a une pierre à apporter à l’édifice. Sens9 permet les rencontres et synergies entre les dirigeants, tout en les faisant monter en connaissance et en compétence, de manière collective. Et, surtout, que l’on accepte cette diversité initiale, pour poser collectivement le débat sur la table. C’est le cœur de mission des Clubs Sens9, et cela répond aux indicateurs de la “boussole” de la résilience territoriale du CISCA : l’interconnaissance des acteurs.

Que propose Sens9 pour aider les entreprises locales ?

Notre action concerne surtout les TPE et PME du territoire, les plus en demande sur ces sujets. Parce que les grandes entreprises sont souvent déjà engagées, ou parce qu’elles ont initié des dispositifs internes. Pour les plus petites structures, c’est difficile de “sortir la tête du guidon”, de se questionner sur ses pratiques… Elles ont besoin de temps et de cadres spécifiques pour prendre du recul et entrer en relation avec d’autres acteurs avec qui construire des solutions et imaginer un avenir commun.

Nous allons continuer les entretiens, pour toujours affiner les réponses apportées par Sens9. Et mettre en place des dispositifs collectifs, qui hybrident les réseaux, notamment entre le public, le privé et le monde de la recherche. Cet automne 2022, nous avons déjà proposé un webinaire sur la résilience territoriale (le 13 octobre) et initions un premier Club Sens9 d’entreprises, le 8 novembre. Avant notre grand événement de lancement le 6 décembre, ouvert à tous.

« Nous allons mettre en place des dispositifs collectifs, qui hybrident les réseaux, notamment entre le public, le privé et le monde de la recherche. »

Les thématiques traitées dans les clubs Sens9 sont importantes, car ce sont celles qui réuniront des groupes d’entreprises locales désirant avancer ensemble dans la résilience territoriale. Nous allons commencer par l’attractivité à l’heure du dérèglement environnemental, puis nous traiterons des nouveaux modèles d’affaires dans un second club. Et un troisième club sera dédié aux impacts des entreprises, abordés de manière collective et territoriale.

Enfin, nous travaillons en continue à modéliser les relations entre acteurs du territoire pour révéler les synergies émergentes, grâce à un outil cartographique dédié.

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